« Je t’ai vu caresser l’âne et j’ai pensé que tu étais une bonne personne. »
En trois mots ? Pur, brut, humble. So, let’s have a look !
Sorti en 2022, cette production du jeune réalisateur Li Ruijun a connu un succès inattendu en Chine, conduisant les autorités à sa censure.
Alors, c’est quoi le pitch ? 2011, dans la province rurale du Gansu, coincée entre le plateau de Mongolie et le plateau tibétain. Deux familles ont choisi d’arranger le mariage d’un homme et d’une femme qu’elles méprisent et dont chacune espère pouvoir se défaire, grâce à cette union à laquelle personne n’attribue d’avenir.
Le retour des hirondelles repose sur un rythme contemplatif, que d’aucuns apprécieront. Le verbe est rare, les plans sont longs et le laisser-porter de rigueur. Le réalisateur dépeint avec réalisme le portrait d’une Chine rurale traditionnaliste et la peinture de ce milieu social laisse la gorge sèche.
Le film aborde la vie de deux adultes malaimés, au moment où leurs destins dépourvus de perspectives se scellent. Ma, un vieux garçon taciturne, est l’ainé de sa famille. Cao, longtemps rudoyée, désormais incontinente et anesthésiée par la vie, est la cadette de la sienne. Leur union arrangée sera vécue par le spectateur comme le coup de grâce porté à deux vies déjà bien élimées et lui fera craindre une tragédie d’Eschyle…
Et pourtant. Animés par la même bonté de cœur, unis par le même mépris qu’ils ont essuyé, ces deux êtres si farouches, vont petit à petit, parvenir à s’apprivoiser. Chacun a conscience des raisons qui ont poussé sa famille à les (ré)unir. Pourtant, le sujet ne sera jamais abordé car il est déjà entendu et largement dépassé. Lui comme elle, ont semble-t-il accepté d’être unis dans le dénuement. Alors, progressivement, une forme de tendresse se développera entre eux, faite d’élans de gentillesse, d’attentions affectueuses et d’une entraide désintéressée. Ce couple s’aimera – sans effusion charnelle – il s’aimera d’un amour respectueux, tendre et généreux.
En parallèle, leur entourage – familles, villageois et potentat local – n’aura de cesse de les exploiter sans vergogne. Pour les premiers, non satisfaits de s’être débarrassés d’eux, c’est désormais la jalousie envers ce couple harmonieux et résilient, qui les fera continuer à s’en railler. Pour le dernier, l’existence de Ma, et la sienne seulement, n’a de valeur que pour son groupe sanguin particulièrement rare, son « sang de panda », dont le riche propriétaire de la coopérative régionale a désespérément besoin pour survivre.
Mais qu’importe, la bonté pure de ces deux êtres est immuable et continue de les faire avancer, l’un avec l’autre, l’un par l’autre, l’un grâce à l’autre. Au fil des saisons, au rythme des cultures, malgré la dureté du travail dans les champs, malgré la corruption locale, malgré la pauvreté écrasante, malgré des conditions de vie spartiates, malgré la pression familiale et sociale, le couple grandit. Ensemble, Ma et Cao parviendront à reproduire des gestes immémoriaux pour cultiver la terre, construire un foyer de leurs mains et prendre soin l’un de l’autre.
Au fil des années, alors que la vie rurale de la province du Gansu se désagrège au profit d’une modernité relative, le couple résiste et s’obstine dans un présent qu’il voudrait perpétuel. Mais jusqu’où pourra-il défendre cette vie simple, que la modernité tend inexorablement à rattraper ? Cette interrogation sera cruellement balayée par la terrible dernière demi-heure.
Et au final, on en pense quoi ? Le retour des hirondelles est le drame intime et réaliste d’une frange de la société chinoise corsetée par les conventions et hermétique au mirage d’une pseudo vie moderne [autant de raisons qui ont conduit à la censure, lorsque le Pouvoir a pris conscience du succès populaire du film]. Et à titre plus personnel, il rappellera que notre vie éphémère n’a réellement de valeur qu’à notre hauteur.
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