« T’as fait ton baptême de taule comme un chef et t’as appris deux choses essentielles dans la vie : jamais balancer les copains et toujours la mettre en veilleuse. »
En trois mots ? Captivant, survolté, fracassant. So, let’s have a look !
Sorti en 1990, Les Affranchis [GoodFellas en VO] de Martin Scorcese [Taxi driver, Shutter Island] est sans-nul-doute-possible, le meilleur film de gangsters que le septième ait porté.
Alors, c’est quoi le pitch ? Brooklyn, années 50. Le jeune Henry Hill [Ray Liotta], un italo-irlandais ayant émigré aux Etats-Unis avec sa famille, nourrit le rêve de devenir gangster. Le film retrace son ascension puis sa chute entre 1955 et 1980.
Il y a des films que certains événements poussent à (re)voir, comme la récente disparition de Ray Liotta, dont le rire gras aura marqué la décennie 90 et mon utilisation de WhatsApp aujourd’hui. Les Affranchis est l’adaptation de l’ouvrage Wiseguy (1986), écrit par le journaliste Nicholas Pileggi. Le film revient sur l’histoire vraie de Henry Hill – décédé en 2012 – qui fut membre de la famille Lucchese de New York. De Henry Hill, on peut dire qu’il est tombé dans le milieu quand il était petit. Hill a commencé par réaliser de petites courses pour les gangsters du coin à l’âge où ses congénères se familiarisaient avec l’algèbre. Préférant consciemment le mode de vie et les valeurs d’une famille mafieuse à ceux de sa famille par le sang, Henry Hill apprend avec application et retient avec soin les codes du milieu. Nous, spectateurs novices, faisons nos premiers pas en même temps que cet ambitieux garçon. L’idée de démarrer le film en plaçant cet anti-héros et le spectateur sur une sorte de pied d’égalité, offre un point de départ franchement immersif. Dans ses aventures, Henry est épaulé par Tommy [Joe Pesci – Oscar du meilleur acteur dans un second rôle], boule de nerf à la gâchette facile et Jimmy [Robert De Niro], figure paternelle à l’intelligence rassurante. C’est en compagnie de ce trio charismatique, soudé par l’esprit clanique de la famille Lucchese, que nous suivons les trente années qui ont été le témoin de la réussite puis de la déchéance de Henry Hill.
Le style de narration sur lequel le film prend racine, repose sur deux personnages, dont les visions du milieu s’entrecroiseront tout du long : celle de Henry Hill bien sûr, grâce à la voix off de Ray Liotta mais aussi celle de Karen, son épouse à l’écran, à travers les interventions en voix off de la splendide Lorraine Bracco. L’actrice incarne un rôle fort et rare pour cette époque, celui d’une femme de qui n’a pas sa langue dans sa poche et n’entend pas se laisser endormir par les hommes de la Famille, et en particulier par le sien.
La narration sur trente ans est fluide, réaliste, cohérente et bien suffisamment décortiquée. En toile de fond, on suit la vie en vase clos de la famille Lucchese et en surépaisseur, quelques événements choisis des activités de gangster de Henry Hill. [A noter, s’il avait été célèbre en son temps, Les Affranchis aurait pu facilement se transformer en biopic !].
L’épilogue prend appui sur une technique du théâtre consistant à briser le quatrième mur [lorsqu’un personnage s’adresse directement au public]. C’est un procédé dont l’utilisation est alors atypique au cinéma, mais dont l’effet est tout autant capable d’interpeller un spectateur qui se serait trop confortablement lové dans son fauteuil [immersion jusqu’au bout]. Quelle sortie !
Et au final, on en pense quoi ? Référence devenue un classique, Les Affranchis constitue le point culminant de la carrière de Martin Scorcese. Capable d’exacerber les sens, ce Rise & Fall possède une portée historique et culturelle phénoménale. Bien que le film ait été étonnamment peu récompensé lors de la cérémonie des Oscars de 1991, il s’est largement rattrapé depuis grâce à l’engouement qu’il a suscité et qu’il continue de susciter chez le public. Pour prolonger le plaisir, je sélectionnerais subjectivement et dans cet ordre : le Parrain – volet 1 (1972), les Incorruptibles (1987), les Infiltrés (2006).
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