« J’ai besoin d’une pause.
-T’es fatiguée ? Tu veux te reposer ?
-Non Adrien, j’ai besoin de faire une pause, une pause de toi, une pause de nous. »
En trois mots ? Contemporain, rythmé, sémillant. So, let’s have a look !
Sorti en 2021, Le Discours est l’adaptation du roman éponyme de Fabrice Caro (2018) par Laurent Tirard, qui vous promet une autopsie minutieuse des relations humaines durant 1h24.
Alors, c’est quoi le pitch ? Sonia souhaite faire une pause d’Adrien. Pas une pause qui soit synonyme d’une séparation mais une pause où tu appuies ça s’arrête et tu réappuies ça repart ; sauf à appuyer sur le bouton stop. Trente-huit jours plus tard et toujours sans nouvelle de Sonia, on retrouve Adrien pris en étau dans un repas de famille qui tutoie pour lui le supplice, aux côtés de ses parents, sa sœur et son beau-frère. Plus tôt dans la soirée, à 17h24 précisément, Adrien a envoyé un texto très réfléchi à Sonia. Alors qu’il serait presque en PLS à attendre une réponse, son beau-frère vient lui porter le coup de grâce en lui demandant – à lui, le phobique social – de prononcer un discours lors de son mariage prochain avec sa sœur.
Quand Canal+ m’a fait savoir que ce long métrage ne serait plus disponible lundi 09/01 à 23h59, je me suis dit que c’était le moment ou jamais. J’avais hésité à me laisser tenter lors de sa sortie au cinéma mais la BA m’avait parue très François-le-français c’est à dire pompeuse c’est à dire chiantesque. Toujours motivée par l’envie de mourir moins sotte que la veille si la faucheuse choisissait de me conduire en avance jusqu’au boulevard des allongés, je me suis courageusement lancée. Et grand bien m’en a pris ! Depuis, l’empressement à partager mon enthousiasme me chatouille telle une cystite.
Poussé à la pause par Sonia, Adrien a enchainé 3 phases – abattement, colère, espoir ; qui se sont transformées en 5 phases, lorsque le désespoir et la complaisance du désespoir se sont invités à la fête. Terrassé par ce chagrin d’amour auquel il ne s’attendait pas (au sens propre, pas le groupe des 80’S), Adrien doit donner le change lors de cet assommant repas de famille qu’il aurait sans aucun doute volontiers troqué contre un récurage des WC de la SNCF en pleine période de vacances scolaires. Pourquoi, demanderez-vous ? Parce que, de l’aveu même d’Adrien, les repas de sa famille sont le royaume du non-dit et du consensus respectueux, en bref, du non-rapport. Et ce que dit Adrien résonnera étrangement chez nombre de spectateurs, comme un couplet déjà vécu car ce film est un condensé de tout ce que l’on pense en famille et qu’on ne dit pas, tout ce qui nous démange mais qu’on tait poliment, tout ce qu’on voudrait débiter mais qu’un verre de spiritueux nous fait ravaler.
Ce soir-là, Adrien est tiraillé par deux interrogations qui semblent insolubles : comment survivre à l’attente d’une réponse de Sonia à ce satané SMS et se défausser de ce fichu discours de mariage ? Très simplement, en brisant le quatrième mur et en nous faisant partager à nous, spectateurs, ses pensées et ses idées les plus saugrenues, à l’exact moment où elles naissent, un peu à la manière de l’excellent Le nom des gens [Jacques Gamblin, Sara Forestier]. Et les spectateurs se prendront très volontiers au jeu des allers-retours, suivant Adrien là où il veut les mener, remontant le temps jusqu’à son enfance puis son adolescence, pour introspecter les relations avec sa mère, son père et sa sœur, revivant sa rencontre avec Sonia mais aussi ces petits riens qui ont créé le climat menant à la pause ; tout en imaginant le discours qu’il pourrait pondre le jour J et en tentant – en parallèle – de survivre au dîner en cours. Ouf !
Pour savoir si Adrien sortira vivant de cette triple épreuve, il va aussi falloir vous lancer….
Et au final, on en pense quoi ? Le discours est un film aux rapports humains fascinants, dont on savoure chaque minute et dont on est déçu par avance à l’idée qu’il prenne fin. Un excellent moment en perspective donc, ponctué par une insoupçonnable note d’optimisme, qui vous donnera envie de reprendre à pleins poumons le titre entrainant Sarà perché ti amo de Ricchi e Poveri et – pourquoi pas – qui fera naitre une folle envie de (re)vivre l’Amour.
> Actuellement et jusqu’au 09/01 en replay sur Canal +